J’ai été victime d’harcèlement sexuel lorsque j’étais enfant.
Ce n’est pas spécifiquement douloureux d’en parler, mais je tenais à témoigner et apporter ma pierre à l’édifice #MeTooInceste.
J’en profite pour parler du blog Les Résilientes qui partage quelques témoignages anonymes de victimes de viol, et surtout de l’association du même nom qui a pour but la reconstruction après des violences sexuelles.
Si vous vous sentez concernés, n’hésitez pas à y jeter un oeil.
Ce n’est pas la première fois que j’aborde le sujet, mais je n’avais jamais raconté de A à Z tout le récit de cette partie de mon enfance. Je profite alors de cette occasion pour graver ici, sur mon blog, ce que j’ai vécu.
Après toutes ces années, je n’ai pas oublié.
Le coupable a continué sa vie, il s’est marié, il a eu des enfants.
Il ne lira peut-être jamais ces mots et ne se rendra certainement jamais compte des conséquences de ce qu’il a fait.
Porter plainte, ou le dénoncer après toutes ces années ne n’apportera rien de bon. Ni à lui, ni à moi.
Je ne ressens pas de haine ou de rancoeur aujourd’hui, et je ne ressentirai aucune satisfaction à le faire payer ou qu’il soit jugé coupable, parce que cela ne changera rien au passé.
Par contre, je sais que si je fais cette révélation à ma famille, je m’expose à d’énormes risques.
Cependant, si mon histoire peut ouvrir les yeux à d’autres personnes, si cela peut permettre aux prédateurs potentiels de se rendre compte de l’impact de ce genre d’actes.
Si j’ai une chance de sauver de futures victimes.
Alors, ça aura valu la peine d’avoir replongé dans mon passé et conté mon histoire.
*
Je l’ai rencontré pour la première fois lorsque j’avais entre 8 et 10 ans, lors d’un voyage en Chine avec ma famille.
On passait énormément de temps ensemble, ce qui était normal puisqu’on logeait dans la même maison.
Des souvenirs de vacances mémorables entre des balades dans les rizières, dans le cybercafé du coin, dans la salle d’arcade du quartier et des journées passées à regarder des parties de jeux vidéo.
On avait que quelques années d’écart, mais il avait cette proximité amicale et c’était quelqu’un d’agréable. Je le considérais comme un grand-frère et je l’appréciais beaucoup.
Je n’arrive pas à me souvenir clairement, mais je crois qu’on était assez proche et qu’il est fort probable que je le suivais partout parce que j’aimais passer du temps avec lui.
Un jour, il m’a fait venir dans son lit.
Il avait quelque chose à me confier, un secret à ne partager qu’avec moi.
Je me suis allongé à côté de lui et nous nous sommes installés tous les deux sous la couverture.
Puis il a prit ma main pour la poser sur son pénis.
Je n’ai pas compris tout de suite ce que c’était. Au toucher, j’ai pensé à une saucisse Knacki.
Lorsqu’il m’explique ce que c’est en réalité, je suis mal à l’aise et je sais que quelque chose ne va pas.
Beaucoup trop de questions se bousculent dans ma tête.
Il me dit que c’est pour jouer, je ne comprends pas mais je sais que je n’ai pas envie.
Quelque chose en moi me dit qu’il vaut mieux que je parte et je réussis à trouver une excuse pour m’extirper et m’échapper de sa chambre.
Il est plus grand, il a plus de force que moi et surtout, il est assez charismatique et s’entend très bien avec ma mère. Je ressens le danger et j’ai peur qu’il me force à faire quelque chose que je ne souhaite pas.
C’était peut-être stupide de ma part, mais à ce moment là, je décide de tourner ça en ridicule et d’en parler à mon petit frère. Je ne lui raconte pas tous les détails, mais j’ai un vague souvenir d’avoir dit quelque chose comme « Il avait une saucisse Knacki dans sa culotte ! C’est trop bizarre ! » et je fais passer ça pour une blague.
J’avais un avantage : il ne comprenait pas le français.
Il m’avait fait promettre de n’en parler à personne. La promesse avec le petit doigt, que si je brisais cette promesse il m’arriverait quelque chose d’horrible.
J’essaye de me protéger en le racontant à mon frère, en français, et j’avais besoin d’extérioriser ce qui venait de se passer.
J’ai peur des représailles mais je sais qu’en agissant ainsi, je fais semblant de ne pas comprendre ce qu’il me demande et j’espère qu’il va penser que je ne suis plus assez digne de confiance et me laisser tranquille.
À cet âge, dans la tête d’un enfant en fin de primaire, j’étais en conflit avec moi-même parce qu’il me disait qu’il ne serait plus mon copain si je ne faisais pas ce qu’il voulait, et d’un autre côté je savais qu’il ne fallait pas que je cède à ses demandes. Alors, j’étais mis à l’écart lorsqu’il organisait des sorties ou jouait avec d’autres enfants et adolescents du quartier. Cela me rendait un peu triste, mais je savais que j’avais fait le bon choix.
Notre séjour à l’étranger va prendre fin, je l’évite autant que je peux jusqu’au dernier jour et je suis soulagé de quitter le pays en sachant que je ne le reverrai plus, une fois rentré chez moi.
Quelques années plus tard, ma mère m’annonce que cette personne va venir en France pour s’y installer et que nous allons l’héberger à la maison pendant un temps.
Le temps s’arrête un instant autour de moi et tous ces mauvais souvenirs remontent à la surface.
J’essaye de me rassurer : de l’eau a coulé sous les ponts et avec un peu de chance, il aura oublié et tout se passera très bien.
Les retrouvailles se déroulent sans accroc, même si l’appréhension est encore là.
Au bout de quelques jours, mes inquiétudes se matérialisent et le chantage prend plus d’ampleur.
« Si tu en parles à tes parents, ils ne te croiront pas et on se moquera de toi. »
Il n’avait pas oublié et il comptait reprendre là où nous nous étions arrêtés quelques années auparavant.
Nous vivions dans un petit appartement et nous dormions dans la même pièce : lui, moi et mon petit frère.
Mes parents travaillaient jusqu’à tard et finissaient leur journée après 23h, ce qui lui permettait d’agir sans craindre d’être pris en flagrant déli une bonne partie de la soirée, lorsqu’il la passait avec nous.
J’étais au collège maintenant et je n’avais personne à qui me confier. Je ne savais pas comment me tirer de ce mauvais pas et plus les jours passaient, et plus cela me pesait.
Je savais juste qu’il ne resterai pas éternellement chez nous, qu’il finirait par partir, mais quand ?
Dans quelques semaines, dans quelques mois ?
Cela restait des jeux de touche-pipi, il se masturbait en m’utilisant et je me disais que ce n’était qu’un mauvais moment à passer.
Jusqu’au jour où il me fit comprendre qu’il voulait plus. Il voulait me pénétrer.
Il avait ses arguments : je n’étais pas encore réglé, du coup je ne risquais rien.
Je n’avais aucune raison de refuser. J’étais pris au piège.
Je réussis tout de même à imposer mes conditions, et le jour où je crus qu’il avait éjaculé sur ma cuisse, j’ai intentionnellement exagéré mon dégoût pour le dissuader d’essayer de me convaincre de faire plus.
Je ne faisais que gagner du temps, il fallait que je fasse quelque chose pour que ça cesse et complètement.
J’ai fini par prendre mon courage à deux mains et je me suis rebellé en refusant en bloc ce qu’il me demandait.
Il me l’a fait amèrement regretter.
C’étaient des petits détails : oublier de mettre mes couverts sur la table, m’ignorer, être odieux lorsqu’il s’adressait à moi. Il me faisait la tête ouvertement, ce qui passait pour des querelles d’enfants sans importance aux yeux de mes parents étaient de petites attaques psychologiques pour me blesser et me faire changer d’avis.
Un jour, dans notre « querelle » il me fit une entorse au poignet.
La douleur est restée une bonne semaine sans que je puisse me confier sur la raison de mon mal.
Puis, un soir, je finis par réussir à le repousser de mon lit.
Je dormais dans un lit superposé et pendant qu’il était en train de grimper pour me rejoindre.
Je lui ai donné un coup de pied qui le fit tomber.
Je craignais d’énormes représailles, mais le lendemain aucun de nous deux n’aborda le sujet.
Il ne recommença plus à chercher à me rejoindre en pleine nuit.
Je pensais avoir réussi à m’échapper de son emprise jusqu’au jour où ma mère m’annonça qu’on allait héberger des amis à elle pour une nuit, et pour que tout le monde puisse dormir chez nous, j’allais devoir partager un lit avec lui.
J’ai manifesté mon désaccord sans entrer dans les détails, mais elle n’y prêta pas attention et elle crut que je faisais un caprice à cause de notre chamaillerie, qui de son point de vue n’avait pas lieu d’être.
Cette nuit-là, je n’ai pas pu fermer l’oeil et je me suis mis le plus à l’extrémité du lit pour qu’il ne me touche pas.
Plus près du bord, j’étais par terre. J’ai même songé à dormir à même le sol.
Mon calvaire prit fin lorsqu’il quitta, enfin, notre domicile.
De nombreuses années après, on reprit contact via MSN et au détour d’une conversation, il me rappela ce qu’on avait fait.
Il m’a dit ces mots qui résonnent encore en moi.
« T’aimais ça. »
J’ai même pas su quoi répondre à tel point j’étais sidéré, outré, consterné, qu’il ait pu penser ça de ce que j’ai pu ressentir en étant enfant et adolescent.
Je ne sais pas si mon témoignage a sa place dans #MeTooInceste tellement je me considère « chanceux » par rapport à ce que j’ai pu lire ailleurs.
Les séquelles peuvent être nombreuses, et pour n’en citer qu’une infime partie :
La peur, le dégoût du contact physique.
La culpabilité.
Depuis, j’ai fait énormément de chemin.
Je me suis reconstruit, j’ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes et remonter la pente.
Même si j’essaye de me convaincre que je suis au dessus de tout ça maintenant, que tout ceci est loin derrière moi. Je sais qu’au fond, certaines blessures continuent d’avoir un impact plus au moins important sur la vie que je mène actuellement.
Je souhaite à toutes celles et ceux qui ont eut le malheur de subir de telles violences, de réussir à sortir la tête de l’eau. De retrouver la paix intérieure et de n’en ressortir que plus fort.
*
À tous ceux qui m’ont lu jusqu’ici : merci.
Je suis certainement pessimiste, mais je pense que les personnes qui osent faire subir cela à d’autres ne voient même pas le problème de ce genre de relation abusive. Leur ouvrir les yeux sur le mal qu’ils font et chercher à les éduquer me semble être une peine perdue.
C’est pourquoi, si je peux me permettre de vous faire une demande :
Prêtez attention au comportement des enfants dans votre entourage : votre propre enfant, votre nièce/neveu, des cousins/cousines plus jeunes, etc.
Soyez prêts à les écouter et les soutenir si jamais ils viennent vers vous pour demander de l’aide.
Ces mots s’appliquent à toutes les victimes d’abus.
Un dernier mot :
Si vous avez commis l’irréparable et que vous vous rendez compte que maintenant de votre erreur, s’il-vous-plaît : demandez pardon. Il ne vous sera peut-être pas accordé, mais faites-le.
C’est horrible. force à toi d’avoir trouvé le courage d’en parler
Mais tu sais, Tu as beau pas vouloir le confondre et que c’est surement dur au niveau familiale mais bordel, ce genre de prédateur ne s’arrête pas avec juste une victime.
Il a refait sa vie, et il a des enfants qui ont surement actuellement l’age que tu avais à l’époque. Moi c’est ça qui me ronge. Il est tellement probable qu’il fasse ça à ses propres enfants…