Je vais conter mon petit parcours sexuel.
Préparez votre boisson favorite, asseyez-vous confortablement.
Voici mon histoire.
J’ai eu ma première relation sexuelle vers 18-19 ans
J’étais peut-être un peu trop fleur bleue, mais je souhaitais perdre ma virginité avec la bonne personne, donc j’ai attendu jusqu’à tomber sur quelqu’un de confiance.
Je lui ai offert ma virginité, comme dans les dessins animés japonais, avec la phrase-bateau et niaise “sois doux, s’il-te-plaît” parce qu’en réalité, j’avais peur.
Est-ce que c’est normal d’appréhender sa première fois ?
J’avais vu des films pour adultes, j’avais déjà imaginé quel plaisir ça pouvait procurer, je m’étais déjà masturbé. Malgré tout ça, une partie de moi était tétanisée, mais je savais que je devais franchir cette étape, que si c’était pas maintenant, qui sait quand je pourrais retrouver une âme assez patiente et gentille pour me dépuceler.
Je me suis rassuré intérieurement, et je me suis laissé pénétrer.
Je ne vais pas mentir, ce n’était pas spécialement agréable, mais il avait l’air d’apprécier, et ça a joué pour moi, de savoir qu’il y prenait du plaisir. Plaisir d’offrir, joie de recevoir.
Je ne me suis pas arrêté sur le ressenti de cette première fois, je suis une âme curieuse et j’aime expérimenter.
“Si on essaye de nombreuses fois, est-ce que je finirai par trouver ça agréable ?”
La fougue de la jeunesse, et la passion du début d’une relation : on a beaucoup fait l’amour.
Je craignais qu’il n’ose pas me demander s’il en avait envie, ou qu’il ait peur de me forcer, alors j’ai souvent pris les devants, je le chauffais pour tâter le terrain, et s’il avait envie, il pouvait laisser libre court à ses pulsions. C’était ma manière à moi de lui dire “je suis d’accord” avant même qu’il ne pose la question.
Lors de nos rapports, je découvrais certaines sensations inédites, je me sentais bizarre, j’avais énormément de mal à comprendre et accepter ce que je pouvais ressentir.
Ma seule éducation sexuelle reçue était celle enseignée à l’école, puis le reste c’était grâce aux supports accessibles sur des sites pour adultes, sur l’internet.
J’avais du mal à accepter que le plaisir sexuel était quelque chose de tout à fait normal, qu’il n’y avait rien de mauvais là dedans, et que je devais juste me laisser aller et profiter de ce moment.
J’ai eu une vie sexuelle très épanouie jusqu’à mes 24 ans.
J’ai la chance d’avoir un partenaire compréhensif, avec qui j’ai appris à communiquer le moindre problème.
À un certain point, dans ma vie, j’ai eu le besoin d’expérimenter ailleurs.
Je n’avais connu qu’un seul homme jusqu’à présent, et même si cela se passait très bien au lit, j’avais du mal à atteindre l’orgasme. Ce n’était pas faute d’essayer, mais on avait un petit problème : je le faisais jouir trop vite. Lorsque ça commençait à devenir agréable pour moi, c’était déjà trop agréable pour lui, et j’étais souvent frustré.
Cela ne me posait pas de problème au début, parce que le principal pour moi, était de lui procurer du plaisir. J’étais satisfait de pouvoir lui offrir des orgasmes.
Cependant, à force, j’avais envie de ressentir cela. J’étais jaloux de ne pas pouvoir ressentir la même chose. J’avais en moyenne, un orgasme 1 fois sur 10.
Je ne pouvais pas rejeter toute la faute sur mon partenaire.
Je me suis beaucoup questionné sur moi-même et si c’était ma faute, pourquoi j’étais trop complexe à satisfaire. Pourquoi était-ce si compliqué pour moi d’atteindre l’orgasme… ?
Après de longues discussions, on a passé notre relation de couple en relation ouverte pour que je puisse explorer ma sexualité, comprendre et trouver des réponses à ces questionnements.
Je n’ai pas sauté sur la première personne disponible, j’ai eu la chance de trouver quelqu’un d’adorable, attentif et civilisé. Quelqu’un avec qui le courant est tout de suite passé dès notre première rencontre, et pour qui j’ai rapidement eu de l’affection et assez confiance pour avoir de rapports plus intimes.
Nous avons fait l’amour tout le week-end. Nous l’avons tellement fait que j’avais des courbatures à des muscles insoupçonnés, et que nos organes génitaux étaient devenus douloureux à cause des frottements.
J’ai eu quelques orgasmes mais je n’en ai tiré aucune satisfaction. C’était “ok”. La même sensation que lorsque je me masturbe, en soit.
Ce n’était pas désagréable, ce n’était pas douloureux mais le plaisir n’était pas exceptionnel non plus. Cela ne me dérangeait pas de mettre mon corps à disposition pour le satisfaire.
Lorsque je suis rentré de mon séjour, nous avons encore longuement discuté avec mon partenaire, et nous avons fait l’amour.
Après tout, je préférais le faire avec mon partenaire de toujours, parce que je le connaissais mieux, parce qu’il savait ce qu’il me faisait plaisir, parce que je savais ce qui lui faisait plaisir. Parce que c’est lui que j’aimais.
J’avais testé ailleurs, j’avais assouvi ma curiosité et j’avais fini par accepter le fait de ne pas atteindre l’orgasme à chaque rapport intime.
Nous étions dans une relation et une mentalité qui nous permettait d’avoir des rapports sexuels avec d’autres personnes, si jamais la situation s’y prêtait, et si surtout on en avait envie. Que notre statut de couple ne nous empêche pas, et ne nous refrène pas à assouvir une pulsion physique ou un désir envers une autre personne. Tant qu’on restait honnête l’un envers l’autre, qu’on ne se cache pas la vérité.
J’ai pu avoir quelques autres partenaires et expérimenter ma sexualité avec eux, en les prévenant que j’avais du mal à ressentir du plaisir, ou même à être excité. À cette époque, je ne savais pas encore que je pouvais être asexuel. C’était juste une caractéristique qu’il fallait prendre en compte. Je ne voulais pas qu’ils se mettent la pression ou pensent que cela vienne d’eux. C’était moi, et j’en étais conscient.
J’ai appris sur moi-même que ce n’était pas parce que je n’aimais pas qu’on me touche une partie du corps, mais parce que cela dépendait de la manière de le faire.
C’est ainsi que j’ai découvert des sensations nouvelles : j’adore qu’on m’effleure la peau et j’adore les câlins. Qu’on me serre fort dans ses bras et réciproquement. Mais pas de n’importe qui et pas fait n’importe comment. C’est peut-être ce qu’on appelle, l’alchimie.
Je trouve ce sentiment beaucoup plus agréable que l’acte sexuel en lui-même, même beaucoup plus plaisant et satisfaisant que l’orgasme.
Après ma grossesse, les choses ont commencé à évoluer.
Mon corps a subi quelques changements. J’ai subi une épisiotomie mais la cicatrisation s’était bien déroulée. Les quelques rapports que j’ai eu après s’étaient déroulés sans accrocs. Puis j’ai opté pour la pose d’un stérilet au cuivre, mais au bout de plusieurs mois, mon corps n’a pas bien supporté le corps étranger dans mon utérus : règles longues et à intervalles inconstantes, irritations et douleurs lors de la pénétration.
La pénétration vaginale lors de laquelle je ne ressentais pas ou peu de plaisir, est devenue douloureuse.
Au bout d’environ un an, lors d’une échographie, on a constaté que le stérilet n’était pas bien placé. Sur les conseils du gynécologue, j’ai alors changé de stérilet pour poser un modèle plus petit, mais également au cuivre. Je ne souhaitais pas l’intervention d’hormones.
Les problèmes dans ma flore vaginale ont continué, lorsque j’ai expliqué que j’avais l’habitude d’avoir des règles courtes et très espacées (avant, mes règles duraient 3-4 jours, sur un cycle d’environ un mois et une semaine), mon gynécologue m’a dit “vous savez, votre corps change au cours de la vie”. Pour mes problèmes d’irritations et de douleurs, il m’a alors répondu “il faut mettre du lubrifiant”.
J’ai gardé le second stérilet pendant presque un an, lorsque j’en ai eu marre de saigner peu mais pendant plus d’un mois, j’ai finalement décidé d’abandonner et de demander à ce qu’on me le retire. Sans stérilet, j’ai repris mon cycle habituel d’avant. Magique.
Cependant, j’ai continué à avoir des douleurs lors de la pénétration.
J’avais des problèmes à mouiller, je ne produisais pas assez de cyprine et même avec du lubrifiant, c’est arrivé que j’aie mal à l’intérieur de mon vagin, lors des frottements contre les paroies vaginales, et après l’acte, un côté de ma lèvre était gonflé et douloureux. Ça m’est arrivé d’avoir mal pendant plusieurs jours.
Ceci est un autre problème d’ordre physique, sur lequel je dois me pencher et consulter.
C’est à partir de ce moment que je me suis questionné sur mon excitation, la raison pour laquelle je ne mouillais pas.
J’ai toujours eu du mal à être excité, je me suis rendu compte que j’étais rarement excité en général. Il m’arrive de ressentir un désir mais sur des sujets bien précis, des fétiches bien particuliers, mais pas dans la vraie vie.
J’arrive à susciter l’excitation de mon partenaire, mais il n’arrive pas à me le susciter.
J’arrive à m’imaginer et ressentir le plaisir via des supports vidéos, des illustrations à contenu explicite ou non, mais lorsque je fais l’amour, je m’ennuie.
J’arrive à la même conclusion que pour l’orgasme : je suis détaché émotionnellement lorsqu’on fait l’amour. J’aime entendre, voir et ressentir que mon partenaire frissonne de plaisir sous mes caresses et toutes les autres choses que je peux lui faire, mais cela ne m’excite pas.
Je n’arrive pas à être excité.
S’il me pénètre, je vais ressentir un peu de plaisir, parce que c’est mécanique, mais à terme, je vais m’habituer à ces sensations et trouver ça ennuyant. Puis, maintenant, même avec du lubrifiant, je vais appréhender la douleur, je sais que je peux avoir mal. Je vais faire attention à l’angle de pénétration et aux mouvements.
Je sais également que la libido dépend de notre état psychologique, et la dépression peut jouer un énorme rôle.
Je vais être sincère, la naissance de notre enfant a été et reste encore une épreuve qui a détérioré ma libido. Je fais peut-être partie des personnes qui réfléchissent trop, qui pensent à tout ce qui ne va pas lorsque je me couche, et quand je couche avec quelqu’un.
C’est difficile, pour moi, de mettre de côté les soucis personnels et de me concentrer sur l’instant présent, sur l’acte de faire l’amour uniquement.
Suis-je le seul dans ce cas ?
Ce n’est que récemment que je me suis rendu compte que j’avais un problème de ce côté là.
[Trigger Warning : attouchement sexuel] Je partage là, un bout de mon enfance et une des raisons de ma peur des hommes.
Les mots “mais tu aimais ça” de cette personne lorsque je n’étais qu’un jeune adolescent, résonnaient encore, quelque part en moi.
J’avais enfoui cette partie de ma vie, loin dans ma mémoire, je préférais ne pas y penser, l’oublier.
Le temps permet de guérir les blessures mais les cicatrices, elles, restent.
Je me sentais coupable d’avoir pu ressentir le moindre plaisir lors des frottements contre mon entre-jambes. Comment pouvais-je savoir si c’était normal, mécanique ? Je m’en voulais. C’était un péché de ressentir du bien. Si je ressentais du bien-être c’était que je cautionnais ces actions sur ma personne.
Le manque d’éducation sur ce sujet et mon vécu, ont fait que dans mon esprit, je ne me suis jamais autorisé à prendre du plaisir.
J’ai eu cette révélation lorsque j’ai regardé Penny Dreadful sur Netflix.
Des mots ont été prononcés sur le traumatisme d’un des personnages et cela a fait écho en moi. Je me suis reconnu dans son comportement.
J’avais une dissonance cognitive lors des rapports sexuels.
J’avais un traumatisme d’ordre sexuel.
Je ne sais pas si c’est à force de nier mon propre plaisir, même inconscient, que j’ai du mal à ressentir du bien-être. À force, ai-je fini par être hermétique à cette émotion ?
En discutant avec un ami qui m’a fait part du coming-out asexuel de sa compagne, les mots qu’elle a utilisés et qu’il m’a rapportés, ont fait “tilt” dans mon esprit.
Elle acceptait les rapports sexuels avec lui, par amour, mais avec le temps, c’était devenu trop douloureux pour elle. J’ai eu des retours d’autres personnes qui avaient fait leur coming-out asexuel : le sex était ennuyeux.
Je partageais cette même vision. Je n’étais pas seul.
C’était une libération de pouvoir mettre un terme dessus. Je cherchais une réponse depuis si longtemps, pensant que j’avais un problème de ne pas ressentir ce que la majorité des gens ressentent. C’était donc ça, je suis “asexuel”.
Je m’étais toujours interrogé sur cette éventualité, mais je me disais que ça ne pouvait pas être possible parce que je pouvais ressentir de l’excitation dans certains cas.
Je n’étais pas opposé à l’acte sexuel, en soi. Je le tolérais.
J’ignorais à quel point l’asexualité n’était pas aussi simple à définir. Il existe différents spectres et si vous êtes curieux, je vous invite à visiter le site de l’Association pour la Visibilité Asexuelle, pour accéder aux définitions des nombreux termes, il existe également Aven-fr.
Je ne pense pas que l’asexualité soit un état immuable.
Je ne me range pas dans cette case pour toujours, je sais que selon les situations et ce que la vie a à m’offrir, je peux évoluer et changer. Je ne me ferme pas à cette éventualité.
Il existe encore tellement de choses à découvrir sur le monde de la sexualité et sur soi-même.
N’hésitez pas à me poser des questions dans les commentaires ou sur les réseaux sociaux, ou me faire part de votre propre expérience !
Merci pour ce beau texte empreint d’incertitudes, de doutes qui fondent votre humanité.
Nous avons tous, peu ou prou, à porter un sac à dos rempli de cailloux, a fortiori en matière sexuelle.